"Tu peux pas venir, j'y suis déjà..." [PV Kate Williams]

La journée avait mal commencé. Très mal commencé. Le perspective d'avoir du boulot n'enchantait pas l'étrange femme qui, seule, se dirigeait vers une usine apparemment abandonnée. Elle n'aimait pas avoir des tâches ni recevoir des ordres, même si, comme beaucoup le savaient, une petite carotte l'aidait toujours à se remuer un peu. Le regard sombre de celle qui s'apprête à étriper le premier venu, elle avançait d'un pas résolument décidé, sans la moindre hésitation qui aurait perturbé cette démarche si assurée et tellement élégante.

Rebecca devait effectuer une transaction, autant pour son clan que pour elle-même et devait ainsi, en vertu du rendez-vous qu'on lui avait fixé, se rendre dans cette usine miteuse dont l'odeur l'incommodait déjà beaucoup. Sa crinière noire explosa en une gerbe de cheveux quand elle secoua la tête, comme pour chasser une pensée désagréable. Malgré la température fraîche du début de soirée, elle était vêtue comme elle en avait pris la marquant habitude; un pantalon blanc et noir, avec des motifs apparemment aléatoires, avec une courte veste de cuir rouge, sous laquelle elle ne portait rien d'autre que ses sous-vêtements, laissant apercevoir une mince frange d'un attirant ventre plat. Elle complétait l'ensemble avec des bottes de la même teinte que la veste, et dont les talons avaient une taille non négligeable. Enfin, une écharpe à damier rouge et blanche négligemment enroulée autour de son cou complétait le tout. A la ceinture noire était accrochée une sorte de sacoche qui, au vu de sa forme caractéristique, contenait une arme à feu de poing, dont la taille petite convenait parfaitement à la mince main qui parfois devait la tenir.

S'assurant qu'elle n'était pas suivie d'un long regard circulaire, la jeune femme s'arrêta devant la porte. C'étaient d'utiles et nécessaires précautions qu'elle prenait là. Maintes fois, cela lui avait épargné bien des soucis, comme un mouchard, une taupe, ou même pire. En général, elle parvenait à s'en sortir avec un petit tour de passe-passe dont elle avait le secret. Après s'être persuadée qu'elle était seule, elle dirigea ses pensées vers sa mission du soir, et réalisa avec frustration qu'elle n'avait pas reçu le moindre mot de passe pour obtenir le droit d'entrer. Elle fit une moue boudeuse, caressant son piercing qui séparait sa lèvre inférieure en deux parties du bout d'un doigt soigneusement manucuré.

Après quelques courts instants de réflexion, elle décida d'y aller comme elle avait l'habitude; sans aucune subtilité. En guise de coup sur l'épaisse porte métallique, elle y donna un coup de pied qui la fit sonner, et l'ouvrit subitement derrière sans aucune autre forme de procès et d'hésitation. Elle entra. Comme prévu, l'endroit n'était pas désert, même si l'odeur nauséabonde de moisi prouvait que l'usine était peu utilisée. Son contact était déjà là, entouré de gaillards à l'air autant patibulaires que pas intelligents du tout. Comme d'habitude, en fait. Rebecca se sentit aussitôt à l'aise, car c'était là une situation qu'elle connaissait parfaitement bien. Elle choisissait, elle payait, puis partait avec la marchandise, en général, les seuls mots prononcés étaient le prix et l'éventuel "oui" ou "non" en réponse. Elle aurait presque été satisfaite si elle n'avait pas senti une légère différence.

Sans trop réaliser ce que c'était, elle avait estimé que quelque chose n'allait pas comme d'habitude, sans savoir quoi. Rebecca avait de plus la désagréable impression de ne pas pouvoir s'en assurer. La jeune femme renifla, pinça les lèvres et croisa les bras sur sa poitrine. Pourquoi y avait-il plus de choix que les fois précédentes ? Malgré toute la confiance en elle qu'elle pouvait afficher parfois, elle était en proie au doute le plus profond, car son mauvais présentiment se confirmait de plus en plus. Sans pour autant avoir peur, elle se dit qu'il valait mieux ne pas traîner dans cet endroit qui lui parut soudain aussi peu hospitalier et rassurant qu'il en avait réellement l'air. Se hâtant de choisir ce qu'elle devait, elle paya sans même tenter de négocier et s'apprêtait à s'en aller quand ses cheveux se hérissèrent sur sa nuque. Elle n'avait même pas besoin de savoir pourquoi. "Elle" était là aussi. Pas loin.

Décidemment, c'était vraiment une mauvaise journée...

Plusieurs coups de feux retentirent, transperçant le corps honni plusieurs fois, à peu près partout où c'était imaginable, le sang vermeille éclaboussant sol, vêtements. Le corps s'écroulant sans vie, dans un dernier soupire lamentable et pathétique...C'était ce qu'elle souhaitait au plus profond d'elle, dégainer et lui arracher les yeux à coups de balles à tête creuse. Rebecca Johansson s'était retournée vivement, d'abord vers l'autre, avant de jeter un regard furieux au trafiquant qui eut la sagesse -ou le courage fou- de ne pas broncher outre mesure. Si elle détestait les transactions foireuses, les prix qui changeaient ou encore plus simplement la bêtise de ce genre de contrebandiers misérables, elle haïssait encore plus ça, cette femme dont elle avait juré ne jamais prononcer le nom.

Ce qui, avec le recul, l'avait surprise, avait été la folie de cet homme qui, sans réfléchir, avait amené deux membres de deux gangs rivaux; les pires ennemis de ce monde et surtout, les deux plus grandes ennemies parmi eux. N'importe qui doué d'un peu d'intelligence n'aurait eu l'audace de faire ça. Presque immédiatement après l'arrivée de l'autre niaise, Rebecca nota de se venger de cet imbécile de trafiquant, vulgaire moucheron insignifiant s'il n'avait pas ces jouets pour commercer. Mais comme il était faible, sans aucun appui, elle s'en occuperait après l'autre gêneuse, qui encore une fois, était venu lui pourrir ses affaires.

Cette Ghostimer représentait tout ce que la Minutemen détestait plus que tout; elle était désagréable, persuadée qu'elle avait un semblant de classe, arrogante et aboyait de sa petite voix désagréable. Elle lui aurait tiré dessus, si elle avait eu une raison réellement valable, et plutôt deux voir trois fois qu'une seule. Plus qu'une simple rivale, elle était l'araignée dérangeante qu'on devait écraser du plat et du haut d'un talon de botte, avec tout le poids requis pour le faire dans les règles de l'art, même plus encore.

Une pensée lui vint soudain. Cette chose abjecte venait chercher la même chose qu'elle, cependant, elle réalisa posséder l'avantage. Elle avait les armes, et cette Ghostimer pas. C'était en soi une petite victoire, qu'elle n'était pas prête à remettre en question. Après une courte inspiration, elle prit un ton venimeux.

"-Ce que je fais ici ne te regarde pas, petite", prononça-t-elle. "Tes petits copains sont pas là pour te protéger tu sais ? Si j'étais toi, peut-être serais-je un peu moins désagréable que maintenant."

Rebecca fit demi-tour, toisant d'autant plus Kate qu'elle était désormais partiellement tournée dos à elle, les armes bien évidence pour être sûre que son ennemie les voie parfaitement bien. Malgré tout ce que l'autre garce pourrait dire, la Minutemen se savait pertinemment en position de force, et comptait bien en profiter au maximum, pour bien humilier cette rivale inférieure.

"-J'ai pas le temps de jouer avec les gamines, à plus...."

Déjà elle se dirigeait vers la porte, satisfaite de cette, à ses yeux pas du tout objectifs, éclatante victoire.